DE
BRUMATH - KRAUTWILLER
La maladie et le malade : et Dieu dans tout ça ?
En chemin, Jésus vit un homme qui était aveugle depuis sa naissance. Ses disciples lui demandèrent : «Maître, pourquoi cet homme est-il né aveugle : à cause de son propre péché ou à cause du péché de ses parents ?» Jésus répondit : «Ce n’est ni à cause de son péché, ni à cause du péché de ses parents. Il est aveugle pour que l’oeuvre de Dieu puisse se manifester en lui. Pendant qu’il fait jour, nous devons accomplir les oeuvres de celui qui m’a envoyé». (Évangile selon Jean 9.1 à 4a).
On ne peut pas demander à Jésus, ni à son entourage de l'époque, de parler de “la” maladie et de la santé comme on le fait aujourd'hui. La question qui tracasse ces quelques disciples de Jésus comme, fort probablement, l’opinion publique dans le judaïsme de l’époque, traduit non seulement une conception communément admise de la maladie, mais une compréhension d’un Dieu décidant souverainement de la maladie, voire l’infirmité inguérissable , comme punition, directe ou différée sur un descendant, d’un péché, à moins qu’il ne s’agisse d’une épreuve : Dieu nous “élèverait” en nous faisant souffrir... Dès lors, cette question des proches de Jésus et la réponse de Jésus n'a rien perdu en pertinence pour nous.
Au lieu de nous laisser piéger par la supériorité (?) de notre modernité, laissons-nous nous étonner par l’audace avec laquelle Jésus, ce villageois sans diplôme ni grade, ose rompre avec cette idée communément admise... et pour le moins choquante : « Ce n’est, déclare Jésus, ni à cause de son péché, ni à cause du péché de ses parents » que cet homme est aveugle de naissance. Autrement dit, la maladie d’un individu n’est pas une punition décidée par Dieu à cause du péché de cet individu ou de ses géniteurs ! Et en conséquence, il est déplacé d’accuser Dieu dont Jésus est le porteparole inégalé un rôle de punisseur disposant librement de pleins pouvoirs ! Il est vain de chercher l’origine d’une maladie, d’une infirmité, ou d'une épreuve en Dieu. Voilà la protestation de Jésus. Mais la réponse de Jésus va au-delà de cette dénonciation. Jésus prend acte de l’infirmité comme d’une situation qui touche Dieu et le sollicite instamment. Cette infirmité ne reçoit aucune justification, mais elle appelle Dieu !
La suite du récit va nous lier à notre tour à Jésus lui-même. L’oeuvre de Dieu est à accomplir, elle ne consiste justement pas dans cette distribution ravageuse de punitions ou d’épreuves sous forme d’infirmités ou d’autres catastrophes. Nous sommes impliqués dans cette création.
Les humains, et en particulier, l'Eglise de Jésus-Christ ,ne sauraient fermer les yeux devant des souffrances telles que celle d’un aveugle-né, à plus forte raison de populations entières condamnées à la malnutrition, au manque de soins, aux tares causées par les conditions de vie des femmes, et livrées à la loi de la jungle... ou aux tsunamis. Mais cette participation à l’oeuvre de Dieu est toujours à inventer, à concevoir et à réaliser. Elle n’est pas prédéfinie par une prolifération de prescriptions.
Bien sûr, nous sommes constamment placés devant des situations, des problèmes qui nous dépassent et nous font constater notre impuissance. Mais sans faire de Dieu une puissance magique à notre disposition pour pallier notre indiscutable impuissance, nous ne pouvons fermer les yeux, nous boucher les oreilles, nous déclarer incompétents sans y réfléchir. Le texte de l’évangile nous laisse le soin d’inventer notre participation à l’oeuvre de Dieu, dans le monde qui pour nous commence là où nous vivons.
La suite du récit de la guérison par Jésus de cet homme né aveugle n'est pas à prendre au premier degré. L’évangéliste décrit le travail auquel se livre Jésus. C’est un travail de rebouteux, de guérisseur utilisant une vieille méthode recommandée par la pratique. Jésus fabrique un peu de boue en fournissant sa salive faute d’un robinet à sa portée ; il fait de cette boue un masque qu’il applique sur les paupières de l’aveugle et il l’envoie se laver à la piscine voisine de Siloé. Résultat : succès à 100 % ! Pour sûr que personne, de nos jours, n’envisage de recourir à ce procédé antique de guérisseur en faveur d’un aveugle ou d’une personne affligée d’une autre infirmité. Ce que l'Evangile affirme clairement, c’est que la maladie, la souffrance, l'handicap, constitue un champ d’action de Dieu, pour la personne atteinte, mais aussi pour nous. Le récit de Jean 9 vise à nous reconnaître impliqués, par tout ce qui mutile, emprisonne, empoisonne, obsède un être humain. Il nous incombe de chercher comment entrer effectivement dans le champ d’action de Dieu, de servir, de travailler à la dignité humaine sans distinction.